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C’est le cri du peuple de Dieu, que l’Église écoute depuis la proclamation des premiers Jubilés. Un cri au Christ, l'espérance qui ne déçoit pas et guérit les blessures de chaque homme

par Rosanna Virgili

L'L’Année Jubilaire 2025 qui vient de commencer est une période que l’Église catholique célèbre avec une joie et un bonheur tout particuliers. Le décompte des années est important quand on parle de « Jubilé », car c’est un événement qui révèle la grâce qui coule à travers le temps de l’Église. Elle se greffe donc à la fois sur le temps théologique et salvifique, et sur le temps historique, sur le terrain du « déjà et pas encore » de l’Église elle-même. Cela nous amène à dire qu’aucun Jubilé n’est identique à un autre dans l’expérience concrète que les chrétiens en font, non seulement d’un point de vue socioculturel, mais aussi moral et spirituel.

Dans la Bulle d’indiction du Jubilé actuel, le Pape rappelle celles du passé – à commencer par la première de cette longue série, célébrée en 1300 – pour redécouvrir les raisons historiques et spirituelles qui ont motivé cette initiative : « J’aime penser qu’un chemin de grâce, animé par la spiritualité populaire, a précédé l’indiction, en 1300, du premier Jubilé. Nous ne pouvons pas oublier les diverses formes par lesquelles la grâce du pardon s'est répandue en abondance sur le peuple saint et fidèle de Dieu. Rappelons-nous, par exemple, le grand pardon que saint Célestin V voulut accorder à ceux qui se rendirent à la basilique Santa Maria di Collemaggio de L'Aquila, les 28 et 29 août 1294, six ans avant que le pape Boniface VIII n'institue l'Année Sainte. L’Église faisait donc déjà l’expérience de la grâce jubilaire de la miséricorde. Et même plus tôt, en 1216, le pape Honorius III avait accepté la supplication de saint François, qui demandait l'indulgence pour ceux qui visiteraient la Portioncule dans les deux premiers jours d'août. La même chose peut être dite pour le pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle : en effet, le pape Calixte II, en 1122, autorisa la célébration du Jubilé dans ce sanctuaire chaque fois que la fête de l'apôtre Jacques tombait un dimanche. Il est bon que cette forme « généralisée » de célébrations du Jubilé se poursuive, afin que la force du pardon de Dieu soutienne et accompagne le chemin des communautés et des individus" (Spes non confidentiel, 5).

Le premier Jubilé fut donc célébré sous la grande impulsion des nombreux pèlerins qui arrivaient à Rome dès la fin de 1299. Dante Alighieri décrit cet énorme afflux à Saint-Pierre dans The Divine Comedy, notant qu'en raison de la grande foule, la circulation à double sens sur le pont devant le château Saint-Ange devait être respectée : « Comme les Romains, en raison de leur grande armée, / dans l'année du Jubilé, ont une manière cultivée de faire passer les gens sur le pont, / que d'un côté tout le monde fait face / au château et va à Saint-Pierre, / sur l'autre rive ils vont vers la montagne » (Enfer, XVIII, 28-33).

Le Jubilé a donc été, dès le début, une réponse de l’Église à un besoin très fort et très répandu au sein du peuple chrétien : le désir et le besoin de goûter la miséricorde de Dieu. C’est-à-dire d’être sauvé par l’amour et pour l’amour ! Être libéré de tout mal, en particulier de la dévastation apportée par le péché, et faire l’expérience de cette liberté qui soulève l’esprit du fardeau de la culpabilité, condamnant la chair à suffoquer dans l’esclavage. Ce n'est pas un hasard si l'événement inspirateur du premier Jubilé est précisément la fête du Pardon à L'Aquila que le Pape Célestin V a voulu offrir à ses sœurs et frères dans le Christ pour leur donner grâce, justice et joie. Nous pourrions vraiment dire que le Jubilé est né du cri des pauvres, des anciens bergers des Abruzzes et de ceux qui, comme eux, ressentent encore l'emprise de la fatigue, de l'oppression, de la mort par la faim ou par la guerre, la vie violée de leurs enfants, le pouvoir dévastateur des humains qui dévorent d'autres êtres humains.

Espérer signifie…

A l’origine du Jubilé se trouve le courage d’espérer. C’est l’œuvre de quelqu’un qui a le courage de correspondre aux espoirs de beaucoup. Le pape Célestin a fait écho au cri du peuple et l’a conduit dans un pèlerinage de rédemption. Le pardon est une grande célébration de la libération des dommages que le péché de chacun cause à lui-même et aux autres, à toute la communauté. La miséricorde de Dieu est comme un ventre où toute la communauté humaine renaît, ressuscite et se renouvelle. Elle redevient un enfant : libre et libérée de la culpabilité, lavée des incrustations de la mort. Renouveler l’efficacité « sacramentelle » du Jubilé implique – aujourd’hui encore – ce cri, cette prise de conscience, ce désir et cette exigence : la conscience de ne pas pouvoir se sauver seul. En effet, personne ne peut se procurer le salut, c’est-à-dire la plénitude de la vie, sans l’accueil de l’Autre et des autres, leur pardon, leur bien gratuit.

C’est pourquoi, à l’occasion du Jubilé, nous allons ensemble à Rome. Un voyage inutile – comme quelqu’un l’a dit ! – « se trouver », ce qui n’est pas autoréférentiel. Au contraire, c’est un exode de soi-même, un passage du « je » au « nous », un chemin qui nous pousse à sortir et à aller vers les autres pour marcher ensemble, pour former une « synodie » (groupe) vers la Maison et vers le Cœur de Dieu notre Ami, notre Bien-Aimé, notre Père, notre Seigneur et Rédempteur.

«Tout le monde espère» (Spes non confidentiel, 1), a écrit le pape François. Mais l’objet de l’espoir n’est pas du tout évident. Beaucoup, en effet, espèrent dans ce qu’ils ont déjà et dans ce qu’ils ont eux-mêmes construit ou se sont procuré, espérant ne pas le perdre ; d’autres espèrent retrouver quelque chose qu’ils avaient dans le passé et qu’ils ont perdu ; la plupart des gens espèrent des choses matérielles qui servent à se satisfaire de manière individualiste et égoïste ; beaucoup d’autres pensent pouvoir obtenir des avantages moraux, mais toujours personnels ou privés, comme leur propre succès ou leur fortune. L’espérance chrétienne est une tout autre chose ! Et l’espérance que l’Église suscite pour le Jubilé est tout autre.