Mais au milieu de cette majorité indifférente, l’œil scrutateur des sociologues identifie toujours le groupe plus restreint mais croissant de ceux que l’on appelle les « croyants différents ». Puisque penser consciemment au Néant peut être dérangeant, il semble y avoir une augmentation du nombre de ceux qui « croient en un dieu impersonnel qui domine l'existence quotidienne des gens ». Ce sont ceux qui forment eux-mêmes leur propre image de Dieu, pour répondre en quelque sorte à la « demande d’intériorité ».
En lisant dans les journaux l'histoire de cette "découverte sociologique", un beau discours de saint Bernard m'est spontanément venu à l'esprit (L'éducation, Opera omnia, éditer. Cisterc. 5) dont nous tirons quelques citations et idées.
Le saint abbé met tout d’abord en garde contre le fait de se réjouir des résultats d’une telle religiosité ou intériorité. En effet, cela nous rappelle que Dieu vit dans une lumière inaccessible et donc, comme le prévient saint Paul (voir Rm 11, 24), on ne peut pas « connaître ses pensées ». Le chemin de la religiosité pourrait au contraire conduire à des objectifs erronés et peut-être même dangereux : « Quelle idée l'homme aurait-il pu avoir de Dieu, sinon celle d'une idole, fruit de l'imagination ? ».
Ceci étant, Dieu est intervenu pour proposer sa solution : « Dieu serait resté incompréhensible et inaccessible, invisible et totalement inimaginable. Au lieu de cela, il voulait être compris, il voulait être vu, il voulait être imaginé. » Non seulement il a proposé une idée ou une doctrine de lui-même, mais comme les sens de l'intellect opèrent d'abord chez l'homme, Dieu a voulu s'offrir aux sens eux-mêmes, à la vue et à l'ouïe : « Où et quand il se rend visible à nous. ? Précisément dans la crèche, dans le giron de la Vierge...".
Après tout, saint Bernard ne fait rien d'autre que rappeler l'annonce de l'ange aux bergers lors du premier Noël : « N'ayez pas peur, voici, je vous apporte une bonne nouvelle d'une grande joie, qui sera pour tout le peuple : aujourd'hui dans le ville de David, un sauveur vous est né, qui est le Seigneur Christ. Voici pour vous le signe : vous trouverez un enfant enveloppé de langes, couché dans une mangeoire. »
Et voici la conclusion qu'il propose : « N'est-ce pas peut-être une chose juste, pieuse et sainte que de méditer ce mystère ? Quand mon esprit y pense, il y trouve Dieu. » Après tout, c'est la simple invention de François d'Assise dans Greccio ; c'est la proposition toujours présente de l'Église, qui nous appelle à voir Dieu, en regardant le Verbe incarné dans les bras de Marie et fait le pain sur les autels.