Seule une spiritualité profonde peut libérer des ressources insoupçonnées pour réaliser ses désirs
par Giovanni Cucci

Deuxièmement, le désir a un lien fort avec l'espoir, comme nous l'avons dit plus haut, et donc avec la dimension future de la vie, l'ouverture aux possibilités à réaliser : dans le désir il y a déjà une composante de réussite possible, de propension à sa mise en œuvre et à sa réalisation. , et dans cet espoir constitue une impulsion pour agir et prendre des initiatives. Plus le désir est fort et implique la personne tout entière, plus le sujet utilise toutes ses énergies pour rendre le projet réalisable ; vice versa, un symptôme d'une crise du désir est donné précisément par l'incapacité de voir un avenir pour son existence ou d'en avoir peur. Comme l'observe Lynch à ce propos : « La fermeté du désir et de l'action d'une part, et la capacité d'attendre d'autre part constituent une définition possible de la maturité psychologique ».
D'où l'importance d'une lecture spirituelle de sa situation : les difficultés qui mettent souvent mal à l'aise et semblent freiner les désirs, peuvent au contraire constituer leur éventuel point fort, car elles invitent à prendre position, à reconnaître les résonances affectives face à une telle situation. situation, dire la vérité sur son désir.
Mais peut-on faire un « classement » des envies ? Est-il possible d’élaborer des critères pour reconnaître leur validité et leur vérité, en plus de l’observation de leur pouvoir engageant (dont on sait qu’il est aussi un danger) ? Ici, le discours spirituel peut s'insérer efficacement : le discernement des esprits de saint Ignace est à cet égard une aide pour reconnaître la vérité de ses désirs. On peut retenir certains éléments.
Un premier critère peut être introduit avec les paroles de saint Paul : « L'Esprit vient au secours de notre faiblesse parce que nous ne savons même pas ce qu'il convient de demander, mais l'Esprit lui-même intercède avec insistance pour nous avec des gémissements inexprimables ; et celui qui sonde les coeurs connaît quels sont les désirs de l'Esprit, puisqu'il intercède pour les croyants selon les desseins de Dieu" (Rm 8,26-27). L’Esprit qui prie en nous nous rappelle tout d’abord que le désir qui est en lui est bon et qu’il ne faut pas le craindre. Il s'agit de pratiquer l'art de l'écoute, car les vrais désirs sont profonds et discrets : l'Esprit, lorsqu'il trouve docilité, affine l'art de la connaissance de soi et de l'intelligence, dans son sens littéral d'intus-legere, savoir lire entre les lignes, apprendre aller au-delà de ce qui brille mais qui est superficiel.
Il est également important de considérer la durabilité. Le désir profond ne s'efface pas avec le temps, mais, comme le grain de moutarde de la parabole (Mc 4, 31-32), il grandit de plus en plus. La stabilité est un bon signe pour le désir, surtout quand on se trouve dans la disposition à chercher et à faire la volonté de Dieu, qui est le Seigneur du temps. Les difficultés et les échecs n’éteignent généralement pas le désir profond, mais le renforcent plutôt encore plus ; c'est comme quand on a soif, si on ne trouve pas à boire, ça ne veut pas dire qu'on y renonce, au contraire, à un moment donné, cela prend le dessus sur toutes nos pensées et nos projets. Saint Augustin introduit à ce propos une comparaison intéressante : le désir est comme le récipient de l'esprit, et plus l'homme attend et lutte, plus le désir et l'amour grandissent et Dieu peut y mettre généreusement ses dons. Cet élément était bien reconnu par les pères de l'Église. Saint Grégoire le Grand voit dans les tentatives de Marie-Madeleine pour trouver le Seigneur au tombeau la dynamique du désir spirituel qui grandit et se renforce à mesure que l'on essaie de le mettre en œuvre et malgré les difficultés : « Elle a donc cherché pour la première fois, mais elle a trouvé pas trouvé; elle a persévéré à chercher, et il lui a été donné de trouver. Il arriva donc que les désirs grandissaient à mesure qu'ils continuaient, et qu'à mesure qu'ils grandissaient, ils atteignaient l'objet des recherches. Les désirs sacrés grandissent avec la prolongation. Cependant, s’ils s’affaiblissent en attendant, c’est le signe qu’il ne s’agissait pas de vrais désirs. »